Le nouvel album des Guns N’Roses était attendu depuis quatorze ans. Voici la dernière escroquerie du rock.
C’est censé être un événement. Parce que, depuis quatorze ans, Axl Rose, et lui seul, a décidé qu’il en serait ainsi, reportant sans cesse et dépensant sans compter les avances de sa firme de disques (Geffen), quitte à précéder la sortie de ce disque « tant attendu » par une tournée qui ne restera ni dans les mémoires ni dans les annales.
La première raison est simple : de tous les membres du groupe originel, il ne reste plus que lui, sa majesté Axl, mytho mégalo imbuvable qui aura réussi à foutre en l’air une formation qui, à la fin des années 80 et au début des années 90, avait tout de même réussi à bien nous exciter.
Les Guns n’ont rien inventé. Ils se sont contentés de reprendre le cocktail sex, drugs & rock’n’roll immortalisé par les Stones, Led Zeppelin et Aerosmith, en en donnant pour la musique une version hard dévoyée pour le grand public, et pour le reste, une version fidèle aux clichés du genre scandaleux, à même d’aider à la vente de millions d’albums. Avec Appetite for destruction (1987) et Use your illusion I & II (1991), le groupe californien (né de la fusion des L.A. Guns et de Hollywood Rose) a surtout réussi à nous bluffer avec les riffs imparables de Slash, la voix d’Axl se prenant, en même temps, pour Jagger, Plant et Elton John, et un joyeux bordel qui avait pour qualité, dix ans après Johnny Rotten, de choquer une Amérique bien-pensante. Les Guns n’étaient pas sérieux, se foutaient du monde et cherchaient la provoc facile (quitte à déraper en insultant « nègres et pédés » avant de se rétracter pour ne pas faire chuter les ventes de disques). On a bien rigolé. Surtout à l’Hippodrome de Vincennes en 1992 (avec Soundgarden et Faith No More en ouverture, Aerosmith et Lenny Kravitz en guest) et à Werchter un an plus tard. Jusqu’à ce que la paire magique constituée par Axl Rose et Slash vole en éclats, le guitariste surdoué s’en allant fonder son Snakepit avant Velvet Revolver. C’en était fini des Guns : Izzy Stradlin, Matt Sorum, Duff McKagan, Steven Adler, Buckethead… s’égaillaient tous dans la nature du rock. Et l’arrivée, en 1991, du Nevermind de Nirvana allait changer complètement la face du rock. La scène de Seattle faisait passer les Guns pour une joyeuse pantalonnade du passé, un barnum grotesque trop coloré, trop diva, trop star-system. Nine Inch Nails, Korn, System of A Down, Linkin Park, Green Day et tous les autres vont définitivement enterrer la grandeur momentanée d’une formation qui s’est autodétruite dans ses excès d’un autre temps.
D’un autre temps aussi, la fortune avancée depuis 1994 par Geffen. Axl Rose, seul maître à bord du vaisseau qui fuit de partout, parvient à bluffer tout son monde, réclamant chaque fois plus de millions pour, avant tout, lui permettre de continuer à vivre son grand train de vie, limousines, vodka et petites pépées.
Mais il fallait bien le faire, cet album, faute de devoir rembourser les sommes déjà dépensées.
Ainsi commence la pénible confection de ce Chinese democracy.
Avec un casting gonflant au fil des ans et des tripotages techniques. Chinese democracy, dès la première écoute, ressemble à un fourre-tout, à un best of sonore des années 80 et 90, un collage de tout et de rien : quelques beaux traits, des riffs qui en jettent, des ballades dégoulinantes (« Sorry » est un modèle du genre hard) et même des bouts de discours de Martin Luther King pour tromper tout le monde et rattraper le train Obama.
On se laisse bien avoir par des titres comme « Chinese democracy », « Better » ou « Street of dreams », par des intros prometteuses, des moments de toute beauté et puis, patatras !, tout est noyé dans une production ventripotente, des apartés sans queue ni tête, des tête-à-queue de plans piqués à d’autres. Il n’y a aucune cohérence dans un disque qui bouffe à tous les râteliers, pompe à un peu tout le monde et n’est finalement que l’ombre des Guns.
Axl avait un rêve accessoire : se faire interdire en Chine, histoire de se faire passer pour un courageux opposant au régime oppresseur. Ce dernier n’a même pas réagi à quelques journaux de l’Empire du Milieu qui se sont un peu excités sur le titre de l’album. Les Chinois ont pu écouter l’album en streaming sur le MySpace du groupe en toute tranquillité. Raté, Axl.
Alors, maintenant, que faire, l’ami ? Une petite tournée pour ramasser quelques derniers millions de dollars ?
Guns N’ Roses, Chinese democracy (Geffen-Universal).
-Lesoir.be
_________________ if she took what i took she'd be a dead girl.
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