Dälek + Dub Trio + Why? + Sibot & Spoek are Playdoe @ Le Grand Mix (Tourcoing, FR) 28/04/08
Le grand Mix nous gratifiait ce soir de la deuxième édition, en quelques semaines, de ses soirées « Le Grand Mix défriche », et après avoir pu voir d’excellentes formations comme Comanechi, Blood Red Shoes ou encore Le Loup, l’affiche de ce soir était loin d’être en reste, tant au niveau de la qualité de la programmation que de l’éclectisme (à nouveau) du plateau.
Sibot & Spoek are Playdoe, un groupe venu, selon leurs propres dires, d’Afrique du Sud, entamaient alors la soirée au son d’un rap assez branché aux samples electro tantôt massifs tantôt au contraire cheap. Panoplie fluo de rigueur, le début est un peu poussif mais dans la deuxième moitié du show c’est plutôt fun, avec de bonnes séquences. Le MC assure mais est cependant assez énervant avec ses regards de chien battu au public… L’avant dernier morceau est assez original, il s’agit d’un titre entièrement réalisé avec des samples de jeux videos (genre supermario sur Game Boy), et aussi curieux que ça puisse paraître ça sonnait pas mal du tout et c’était également assez fun. Le groupe a su donc, nous mettre dans l’ambiance, sans pour autant franchement vraiment transcender.
On entrait alors dans le vif du sujet avec un groupe totalement différent et atypique : Why ?
Une formation réunissant 4 musiciens surdoués alternant tous différents instruments : batterie, métallophone, xylophone, guitare, basse, percussions, claviers, samples, et bien sûr chant. Ce qui est amusant avec Why ? c’est tout de même le look du groupe, on dirait que les membres font véritablement un concours pour être le plus nerd possible, et ce soir, c’est le chanteur qui avait décroché la palme : chemise de bucheron, cheveux hirsutes et lunettes à grosses montures noires. Musicalement, difficile de situer le groupe, ils oscillent entre pop, electro et rock avec des sonorités piochées dans leurs nombreuses influences. Le batteur à l’afro est impressionnant de technique tant il s’excite sur ses fûts tout en restant impeccable dans le tempo et dans la mélodie (car il joue aussi du métallophone en même temps). Un set haut en relief, qui se sera lui aussi bonifié entre son début et sa fin. Ils quittent enfin la scène ovationnés comme ils se doit par un public tout acquis à leur cause.
Enfin voilà le groupe que j’attendais le plus : Dälek. Probablement un des groupes les plus étranges de la grande famille hip-hop. En effet, leurs influences ne se limitent pas à leur propre style comme c’est hélas bien souvent le cas pour un groupe, mais leurs amis sont tout aussi diversifiés que Mike Patton, Faust, The Young Gods, Earth ou encore… Mastodon ! Oui oui, ce groupe de metal qui ouvrait pour Tool il y a quelques années et qui est depuis devenu, une tête d’affiche réputée à part entière. Bref, il est plus aisé de comprendre à présent comment ce groupe autant influencé par le Wu-Tang Clan que par Kraftwerk, a pu devenir le fleuron du rap industriel, à coups de samples métalliques, noisys, rock ou bien lourds, balancé par Oktopus, membre fondateur avec le MC, Dalek.
Je ne les avais pas vus sur scène depuis l’été dernier où ils jouaient avec les Young Gods pour leur projet commun Griots & Gods (le set fut d’ailleurs mortel) et depuis 2005 je crois, où ils ouvraient pour Fantômas au Bataclan. Depuis de l’eau a coulé sous les ponts, Absence l’album au rap violent de l’époque a laissé place à un nouvel opus intitulé Abandonned Language, au hip-hop noyé dans des reverb de guitare trippantes. Le line-up du groupe a également été remanié depuis, exit le scratcheur fou à l’afro, viré du groupe pour « raisons éthyliques » , à la place le duo fou du New Jersey a embauché un petit blanc-bec qu’on croirait tout droit sorti de Maths Sup’ mais qui assure pourtant comme un dingue derrière son mac et son Korg. Le groupe est également devenu un quatuor avec un guitariste qu’on imaginerait plutôt dans un tribute band à Motörhead… C’est dire si sur scène comme sur disque, Dälek continue le métissage intensif, conscients qu’il s’agit là de la vraie force du groupe.
Place au show, le groupe au complet, sans Dälek se pointe sur scène et nous distille une instru dont ils ont le secret en guise d’intro. Premier choc, le son est énorme. Le genre de son massif qui vous prend pas tout, qui vous enveloppe et qui ne vous lache plus, et vous soumet à une transe inévitable. Dälek arrive sur scène avec un tee shirt « Lords of Hip-Hop » du plus bel effet… et cette fois c’est parti : le groupe joue majoritairement des titres du dernier album, Oktopus est littéralement monstrueux derrière ses machines, jeu de jambe de boxeur, tel un lion en cage, il balance ses sons comme un coup de poing dans la gueule, regard de psychopathe aux moments les plus intenses, le guitariste trippe non-stop en jouant ses riffs noyés dans un océan de reverb, le blanc-bec lui reste relativement calme devant son mac, et Dälek, mon Dieu Dälek… 200Kg de charisme sans faire grand-chose, regard de tueur, flow exceptionnel, les mots semblent lui sortir tout droit des trippes.
Le set fut relativement court étant donné l’abondance de groupes ce soir, mais vraiment intense. J’ai rarement entendu un son aussi énorme pour un concert de rap. On peut le dire, ça bastonnait sévère au grand mix ce soir. Vers la fin du set, Dälek décident de nous achever en balançant un de leurs plus gros tubes : « Eyes to form shadows », une sorte de larsen en guise de sample. Totalement inhumain, le public rentre en transe totale… mon dieu quelle baffe !
On croit que le show va alors décélérer pour nous laisser reprendre un peu de souffle avant d’affronter le dernier chapitre de cette soirée, mais il n’en n’est rien… après une minute de sons vaporeux à la guitare et aux machines, les Dälek donnent tout ce qu’ils ont dans un dernier effort repoussant toute limite. Déchainement sonique, le guitariste se lance dans un headbanging fou, Oktopus balance la purée avec un regard de possédé… Et le public est véritablement à leur merci en ces derniers instants purement déments.
Fin du set, le public en redemande, malheureusement le timing ne peut pas le permettre. On lit dans les yeux pétillants la claque que chacun s’est prise ce soir lors de ce show. S’il y avait encore des sceptiques, Dälek aura sans nul doute fait dans la conversion de masse ce soir.
Enfin, Dub Trio montent sur scène, après une très brève pause. Après une spirale favorable, le groupe a été de tout projets et de toute actu. Album exceptionnel il y a quelques années (« New Heavy »), le groupe a intégré le fameux Peeping Tom de Mike Patton (aux côtés notamment d’Oktopus de Dälek par ailleurs) et puis, après quelques mois de tournée puis de silence, est venu ce nouveau disque : « Another Sound is Dying ». Salué en général par la critique, mais que pour ma part je n’avais pas trouvé franchement folichon, car justement trop « rock » pour un groupe dont la fusion dub/metal était la grande force. Ils étaient donc venus défendre cet album ce soir.
Le set commence, le son de basse est relativement moyen, car noyé sous la guitare vraiment trop apparente du groupe (dommage pour un groupe aux influs dub). Le groupe enchaine dès le deuxième morceau par un tube issu de « New Heavy », « Angle of Acceptance », un de mes titres préférés du disque en question. Et là, comme un symbole, le morceau est franchement moyen. Le guitariste, très fort au demeurant, en rajoute des tonnes et des tonnes, dans des élucubrations plus ou moins improvisées (alors que sur les tournées précédentes où je les ai vus de nombreuses fois, il était plutôt dans l’efficacité et c’était très bien). Jouant avec ses effets comme en répète, mais un peu trop justement, et à force de vouloir trop en faire, dénature complètement le morceau de base.
Il en sera relativement de même pour tous les morceaux. Alors, attention, le set ne fut pas mauvais, mais les ayant vus à de nombreuses reprises dans le passé, j’affirme qu’ils sont capables de beaucoup mieux que ça, et qu’il faudrait également qu’ils arrêtent de toujours rajouter autant de choses sur des morceaux qui tournent tout seul à merveille. L’avalanche de tube ne suffira pas à remonter la pente, le set est en demi-teinte de bout en bout, avec d’excellentes séquences et des périodes de gavage écœurant, et même des fins de morceaux très brouillonnes où l’on se demande où ils veulent vraiment en venir…
Bref, Dub Trio est vraiment un bon groupe mais je ne sais pas trop à quoi ils jouent ces temps ci, j’espère vraiment qu’ils se reprendront et reviendront à l’efficacité qui fonctionnait beaucoup mieux.
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