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Salut Ashtray Heart, c'est ton tour de passer sur le grill. Je tiens à préciser que ton pseudo ne vient pas d'une chanson de Placebo ou de leur premier nom de groupe mais bien d'une chanson de Captain Beefheart, ça devait être écrit.
Maintenant qu'on sait ça On Est Parti Pour Huit Heures Girl Suis Moi Comme Twitter.
On l'a compris Captain Beefheart semble important pour toi (cf le topic sur TN), comment et à quel moment tu as découvert ce groupe ?
Je devais avoir 21 ou 22 ans, j'ai vu une pub dans une revue de musique (Q ou NME ou autre) pour le best-of, celui ou le Capitaine lance des éclairs sur la couverture. J'ai tout de suite deviné à quoi ressemblerait sa musique à la tête du bonhomme, et à l'écoute du disque j'avais raison, c'était exactement ce que j'avais imaginé, la voix surtout. Après, pour Trout Mask ça devait être dans une édition limitée de Q Magazine sur les pochettes de disques, ils avaient tout un article sur le disque, j'ai voulu l'entendre, su coup, direction Compact Records (le disquaire indé à Falmouth où j'habitais à l'époque), et j'ai acheté le disque. A la première écoute c'était carrément crevant, mais le truc bizarre avec Beefheart c'est qu'une fois qu'on est dedans, ça parait être la musique la plus immédiate du monde, c'est vraiment du folklore Américain, du blues, de la r'n b... le truc qu'on fait passer pour un délire hippie expérimental élitiste, alors qu'au départ c'ést l'oeuvre d'une bande d'ados américains, coincés dans une ville vachement conservatrice, passionés de blues.
Mojo c'est quand même pas Rock'n'Folk, tu as ressenti le besoin d'aller vers la presse musicale à partir de quel âge ? Peut-être pour t'affranchir des goûts musicaux familiaux que je suppose solides, famille anglaise oblige ? Peut-être que je me trompe, dis-moi.
La presse musicale, bah ça dépend, si on compte StarClub bah vers 15 ans, sinon c'était la presse rock vers 19 ans, y compris Rock'n Folk. Et ouais les goûts musicaux familiaux c'était presque exclusivement la musique classique, avec un peu de Queen de la part de mon père, et mon frère a eu une phase Michael Jackson vers dix ans (quand j'en avais six donc), et une phase jazz et country pendant son adolescence. Sinon, c'était les compositeurs romantiques genre Rimsky Korsakov, avec soit disant des superbes mélodies, enfin moi j'y entends surtout des gros mauvais riffs proggy, que ce soit joué sur tout un orchestre ça ne change rien. Ah et aussi Jacques Brel pas mal. Puis les cours de musique. Enfin, l'opinion générale autour de moi c'était que tous les musiciens rock et pop étaient des musiciens classiques ratés, et ma famille considère encore que je ne m'intéresse pas vraiment à la musique (puis les disques et la basse, c'est sûrement pour faire joli). Donc y a eu un grand besoin d'affranchissement là quand-même, ouais. Et j'en tire sûrement mon côté parfois un peu réactionnaire aussi.
On va rester sur tes racines anglaises encore un peu, pour mieux s'en affranchir dans la suite, cela va de soit.
Manchester représente quoi pour toi ? Je veux dire bon, les Tings Tings sont de Manchester.
Mais aussi les Smiths, les Happy Mondays, les Buzzcocks, les Stone Roses, Joy Division, Oasis, The Charlatans et j'en oublie des tonnes. Des préférences dans les groupes que j'ai cité, ou que je n'ai pas ?
Bah en fait, à part que mon père y est né, c'est plutôt une ville de légende pour moi, j'y suis passée en train une fois et je m'attendais presque que les bâtiments aient la forme du profil de Morrissey. Enfin bref, tous ces groupes sont parmis mes préférés, mais en fait tout ce qui vient du Nord de l'Angleterre, de Sheffield et de Leeds, c'est un peu pareil, Gang of Four, Cabaret Voltaire, ce cinglé de Vinny Reilly, et bien sûr Pulp, plutôt le Yorkshire en fait...
Tu te places comment par rapport à ce patrimoine ?
Perso j'ai grandi dans un tout petit village d'Alsace, c'était sympa avec des tas de gens biens mais point de vue musique, bon, y avait Hugues et Georges et leur joyeux accordéon, une poignée de metalleux qui jouaient des riffs de Nirvana dans leur garage, et pas grand chose d'autre. Alors que quand j'étais à Cardiff, la ville des Super Furry Animals, le quartier de McLusky, pratiquement la rue où les Young Marble Giants ont enregistré leur album... on s'attend à trouver une scène vachement active et à pouvoir puiser là-dedans, et pourtant Cardiff ça bouge pas beaucoup plus que Preuschdorf, à part si on aime les bars prétentieux ou les collectifs anarchistes. En fin de compte, si on veut faire bouger les choses, faut le faire soi-même, c'est pas le patrimoine musical de l'endroit qui va le faire. Mais c'est vrai que ça fait drôle, quand on a grandi en France, dans un petit village, d'aller vivre au Royaume Uni dans une grande ville où le petit groupe du coin, bah il est internationalement reconnu. D'ailleurs même Falmouth, c'est tout près de la résidence secondaire de Robert Plant... mais ça foisonne là-bas, un petit groupe inconnu peut devenir énorme en un rien de temps, comme c'est un si petit pays.
Avec deux cultures, on a forcément envie de les opposer, quel est ton regard sur la musique française ? Tes goûts, dégoûts... (franchement, on est meilleur non ?)
Ce que je trouve déroutant en France, c'est la distance par rapport à la musique populaire, y a aucune raison pour que des Français ne puissent pas faire du rock ou quoi que ce soit, mais on a l'impression qu'au lieu de faire leur propre truc, y a ce souci de tout faire correctement, d'avoir tous les éléments, et alors la magie opèrera. Ce qui est drôle aussi c'est que en Angleterre, y a eu cette vague d'immigration des Caraïbes dans les années 50 à 60, on a eu le reggae, le ska, et tout ça a eu une influence énorme sur la musique pop là-bas. Alors qu'en France, j'ai pas l'impression que la musique Maghrébine, par exemple, ou Sénégalaise, ait eu une influence énorme, du moins pas à l'échelle du reggae: ça ne rentrerait pas dans les conditions à remplir pour faire du rock correctement. On reproche souvent à la scène rock Parisienne d'être des fils à papa pistonnés, bah c'est pas ça tellement le problème, c'est qu'ils ont les fringues, les guitares, ils essaient de tirer à peu près la même gueule que des gens rock sur la photo, et on pense que le reste va se faire tout seul. Sinon bon j'aime bien pas mal de trucs Français, Gainsbourg, Phoenix, Brassens...
"si on veut faire bouger les choses, faut le faire soi-même", du coup on se met à la basse, on monte un groupe ?
Ouais, enfin pas forcément dans cet ordre-là, au départ j'avais des copines qui parlaient tout le temps de monter un girl-group, mais dès qu'on en parlait sérieusement elles voulaient plus trop, après je me suis mise à la guitare en faisant l'erreur de me dire qu'avec mon expérience au piano classique,à la flûte traversière et au violoncelle, j'allais apprendre facilement, alors que franchement, le fait d'avoir étudié la musique classique, à part quelques avantages au niveau de l'oreille, ça n'aide pas beaucoup, le rock, la soul, le noise... c'est un tout autre idiome. Epouvantée de mon piètre niveau, j'ai lu un tas de bouquins sur le solfège, le blues, la musique africaine, le folk, la musique contemporaine... finalement, je me suis mise à la basse par nécessité, et c'est ça qui m'a aidée le plus. Puis comme c'était complètement à l'opposé de ce que j'avais déjà fait, c'est à dire du Debussy et du Chopin au piano, je ne trainais plus ce baggage du coup. Parce que à partir de 15-16 ans, je pense que j'aurais tout fait pour être dans un groupe, instrument ou pas, même s'il fallait jouer du kazoo, et je pense que la plupart des gens ne s'embarrasseraient pas d'avoir un mauvais niveau, et s'en tirent tout aussi bien, on va trouver d'autres guitareux...
Mais finalement y a pas mal de gens, qui ont formé des groupes sans forcément passer par la case 'apprendre un instrument', surtout du côté du punk, et puis après on apprend sur le tas, en pratiquant. A la limite, je dirais que c'est presque plus important d'être passionné et d'avoir des idées intéressantes, et la volonté et le côté auto-destructeur qu'il faut pour se lancer dans l'aventure. D'ailleurs même la volonté c'est un mot trop faible, j'ai dit plus haut avoir appris la basse par nécessité et c'est vraiment ça, il faut que ça soit senti comme un nécessité.
Quand tu dis par nécessité, c'est pour entrer dans un groupe ; tu en as connu beaucoup ? Quelles influences ? Et quand est-il aujourd'hui ?
Quand je dis par nécessité, c'est pour plusieurs raisons, pas forcément pour intégrer un groupe comme j'ai toujours préféré aller vers les gens qui m'intéressent pour travailler avec plutôt que d'intégrer un groupe déjà fait. Alors il faut avoir un truc solide à leur proposer. Ensuite, parce que la personne avec qui j'ai fini par bosser, je lui avais appris ce qu'était une frette et à quoi servaient les trucs rigolos en haut du manche à peu près deux mois avant, donc il fallait quelqu'un à la basse avec un bon sens du rythme et des bases en solfège, donc je m'y suis collée. Et enfin parce que, sans invoquer le MLF, quand on voit la petite amie du guitariste à la basse, on se dit souvent qu'elle a pris ça parce que c'est plus facile que la guitare, alors vaut mieux assurer.
Et puis bon, une nécessité, parce que le temps passe, déjà à 18 ans j'avais peur d'être trop vieille pour faire de la musique, alors y a toujours cette urgence.
Maintenant au niveau des influences, je sais pas trop quoi dire. Missy Elliott et Whitehouse en sont mais elles sont loin d'être les seules. Pour le jeu de basse, en tout cas, je pense ressembler le plus au type de This Heat, même si je suis loin d'avoir son niveau.
Aujourd'hui, bah on continue à bosser la musique, puisque c'est une nécessité, on ne peut pas faire autrement !
Merci à toi Ashtray, une dernière question pour la forme (et le thème) : le dernier disque que tu as acheté ?
La réédition des Feelies, Crazy Rhythms, un de mes albums préférés depuis pas mal d'années.
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