Bon je precise depuis le depart, je simplifie pour les differents line-up et j’omets un ou deux albums, parce que j’ai du mal a m’y retrouver sinon.
Captain Beefheart est le pseudonyme de Don Van Vliet, un musicien originaire de Cucamonga, dans le desert du Mojave en Californie. Il existe un nombre d’histoires sur son enfance, mais visiblement il etait tres doue en sculpture. Selon ses propres dires, il serait passe a la television, et aurait attire l’attention d’un celebre sculpteur Belge (dont personne n’a jamais entendu parler) qui lui avait offert une place dans une prestigieuse ecole d’arts plastiques en Europe. Malheureusement, son pere aurait refuse, et il s’est retrouve au lycee avec Frank Zappa.
Il passe son adolescence a ecouter des disques de blues et r’n b avec ce dernier, en mangeant les restes de gateaux qui trainent dans le camion de son pere (boulanger itinerant). Il partage donc sa maison avec ses deux parents, sa petite amie, et son oncle, qui avait l’habitude de faire pipi la porte ouverte, et d’examiner son membre en s’exclamant : « Mais quel beau membre, on dirait un bon gros cœur de bœuf ! », d’où le futur surnom de Don.
Plus tard, il joue dans plusieurs groupes de blues psychedelique locaux. Son plus grand atout c’est sa voix : il imite a merveille son idole, Howlin’ Wolf. Son premier « tube » est une reprise de Diddy Wah Diddy de Bo Diddley. Il formera ensuite la premiere incarnation du Magic Band, avec entre autres le tres jeune Ry Cooder a la guitare slide. S’en suit l’album Safe As Milk, un blues psychedelique assez traditionnel, surtout par rapport a ce qui va suivre, quoique la maison de disques n’aime pas trop le single Electricity, jugeant la chanson bien trop negative et deprimante. Par la suite, ils font encore de la musique, prennent pas mal d’acide, que Don supporte mal. Finalement, le groupe se dissout, Ry Cooder en a marre, et Don decide de recruter un nouveau groupe.
Sa reputation de musicien est assez bonne, alors il n’a aucun mal a se recruter un groupe. Cette fois-ci, ils ont tous environ cinq-six ans de moins que lui, et sont assez influencables. En tout cas, ils n’ont aucune idee de ce qu’il va leur arriver : en fait de bon blues psychedelique, ils sont sur le point d’enregistrer Trout Mask Replica. Deja, les conditions ne sont pas commodes : toute drogue et tout alcool sont interdits, ils sont plus ou moins enfermes dans une grande maison, et n’ont pas grand-chose a manger. En plus, ils recoivent chacun un surnom ridicule et sont obliges de porter des costumes. On parle egalement d’hypnose – en tout cas, il faut croire que Van Vliet exerce un certain magnetisme sur eux. Mais le plus dur, c’est la musique. La tache la plus ardue revient a John French, aka Drumbo, qui doit transcrire les compositions au piano de Don Van Vliet pour les faire jouer au reste du groupe. Ensuite, Don veut abolir « that momma heartbeat, to break the hypnotic state » - il trouve que les rythmes reguliers et monotones de la musique gardent les gens en hypnose collective, et il veut briser cette hypnose. Donc il faut que les musiciens s’efforcent de penser en dehors de leurs structures habituelles, sinon, ca fait « Stop ! Quelqu’un ici pense en Do majeur. Qui pense en Do majeur ? ».
L’album est enregistre par Frank Zappa, qui place chaque musicien dans une piece differente. Beefheart refuse de porter un casque, et pour chanter se guide d’apres les vibrations des musiciens qui jouent dans les autres pieces, d’où l’impression qu’ils ne jouent pas toujours ensemble, ce qui en fait est loin d’etre le cas.
Trout Mask Replica a la reputation d’etre un album bizarre et inaudible, experimental, et tout le reste qui va avec. En fait, ce qui choque en premier lieu avec l’album c’est que l’etat d’hypnose est effectivement brise, et on a l’impression de se faire attaquer par un tas de fragments qui, individuellement, paraissent familiers, un peu comme quand on ecoute Ascension de Coltrane par exemple. Et puis bon, au bout de quelques ecoutes, on tient finalement un album de blues-rock assez basique, avec pleins d’influences dans la musique traditionelle – ca rappelle egalement pas mal Roland Kirk qui telescope un tas de musique populaire avec des influences classiques experimentales, free jazz et compagnie, et dont Mr Van Vliet est justement un admirateur.
Apres Trout Mask Replica, le groupe enregistrera Lick My Decals Off Baby, plus accessible mais dans la meme veine, puis Spotlight Kid et Clear Spot, tous les deux plus ou moins bons, avec certaines chansons excellentes. Ca marche tres bien pour eux critiquement, mais ils ont toujours du mal a se payer a manger. Beefheart culpabilise, et decide de virer commercial pour ses deux prochains albums, Unconditionally Guaranteed et Bluejeans & Moonbeams, histoire que son groupe puisse manger. Malheureusement, ca ne lui reussit pas du tout, et les membres du Magic Band sont tellement degoutes par les resultats qu’ils se barrent tous pour former Mallard.
Beefheart ne reste pas sur son echec, et ne tarde pas a recruter de nouveaux musiciens, qui, une fois affubles de pseudonymes et de costumes, enregistrent Shiny Beast (Bat Chain Puller), un album tres bon, mais qui souffre un peu : Beefheart s’est fait un peu cataloguer comme ovni musical, en partie grace a Zappa qui, etant un homme d’affaires lucide, l’a relegue a son label de « curiosites». Il n’a plus trop le contrôle de sa musique non plus : ce qui sort n’est pas exactement ce qu’il voulait, le groupe force un peu pour faire « bizarre », le resultat est peut-etre moins honnete que Trout Mask, on sent un petit cote prog qui est a mille lieues du Beefheart habituel. Neanmoins, les choses ont l’air de se retablir sur les deux albums suivants, Doc at the Radar Station et Ice Cream For Crow, qui sortent en pleine periode punk. Entre temps, Beefheart est devenu une icône de la nouvelle generation de punks, qui se reclament de son influence. L’admiration n’est pas trop mutuelle d’apres le grand homme lui-meme, mais on sent quand-meme une petite influence post-punk sur des titres comme Ashtray Heart par exemple.
Enfin, en 1982, apres Ice Cream For Crow, il arrete definitivement la musique et se consacre a la peinture, ce qui lui reussit plutot bien.
Depuis, Beefheart a eu une influence enorme sur un grand nombre de musiciens, en particulier PJ Harvey qui est une des seules personnes a etre encore en contact avec lui, et qui cite directement Dirty Blue Gene sur sa chanson Rid Of Me. Il faut egalement noter que s'il est tellement connu et respecte, ce n'est pas seulement grace a Zappa, mais surtout grace a John Peel qui l'a soutenu depuis le debut.
http://www.beefheart.com/index.html