j'ai fait cette chronique pour un autre site, autant en profiter...
NEUROSIS - A SUN THAT NEVER SETS
Nous sommes en 2001. Neurosis a 16 ans.
Peu de groupes peuvent se vanter d'une telle carrière, lourde, violente, puissante. Des albums abrasifs, des armes à feu : chargées. Avec le mythique "Times Of Grace" (1999), la clique de Steve Von Till a prouvé à son public qu'elle n'avait plus aucune preuve à faire. Neurosis aura su se renouveler, se réactualiser, s'assombrir, s'alourdir sans pour autant abandonner aucune facette de cette hypnose irréversible qui les accompagne. Autant de raisons pour nous, partisans, de craindre une suite trop évidente, bâclée, voire tout simplement dans l'impossibilité d'égaler son prédécesseur.
A Sun That Never Sets débute avec "Erode" (1'50), prélude instrumentale bruitiste et cardiaque, véritable enchevêtrements de sons, unifiant paradoxalement cette atmosphère déconcertante. L'univers Neurosis est à portée de main, à portée d'ouïe.
Le réel envol se fait avec cette magistrale deuxième piste, sobrement intitulée "The Tide" (8'48). Des cordes tout en sobriété, dépouillant le son jusqu'à en créer une entité des plus mélancoliques, tout en splendeur, accompagnent ce qui ressemble jusque-là à une sombre ballade digne d'une création du projet solo de Steve Von Till, présentement leader du groupe. Puis le morceau se déracine pour un final d'une lourdeur et d'une puissance inouïe. Neurosis, oppressants. On les connaît ! On s'y attend - et pourtant, dans le climax de chaque morceau se cristallise notre déstabilisation.
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"their voices are free - free from the sun's stare - free from the noise - of lost souls"
Puis, "From The Hill" (9'26) - hurlements désarticulés sur fond post-apocalyptique, stupéfiante entrée en matière qui prendra forme et puissance, encouragée d'une cornemuse innattendue et inquiétante, pour un final torturé, voire torturant, délicieusement. Un sens de la mélodie et de la pesanteur vocale rarement atteint chez Neurosis qui nous avait habitué à plus de bruit, sans concession admissible. Grandiloquente expression de la rage passive, celle qui détruit quand même la résilience semble assassinée.
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"from the hill - i've been watching - stealing the light".
Angoissante introduction que celle de "A Sun That Never Sets" (5'00) - des sons qui ne sont pas ceux d'instruments à proprement dit, mais qui ne rappellent rien pour autant. Cinq minutes d'une lenteur minutieusement étudiée où chaque variation semble aller droit au coeur. Chaque haussement de ton agit comme une soupape - un besoin de libérer la pression, lâcher du lest pour pouvoir se reprendre... Inlassablement, terriblement cyclique.
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"the blood that flows through me is - not my own - the blood is from the past - not my own - the blood that leads my life is - not my own - the blood is strength I'm - not alone"
Cinquième piste, pile milieu d'album. Quoi de mieux que la pièce maîtresse, le sommet de la pyramide ? "Falling Unknown" (13'11) commence d'une façon très minimaliste, presque manichéenne, presqu'à nu. Puis un déchirement dans cette question qui retentit, soutenue par la première explosion instrumentale du morceau, point d'ammare des minutes à venir. "will you stay - or run ?" Un morceau en dents de scie, qui parfois, une fraction de seconde ! annonce ce "mieux" tant espéré, avant de lâcher prise brusquement, nous entraînant dans cette chute sans fond. Puis, ces quatre dernières minutes dévastatrices, montée en puissance purement post-rock qui débouche sur un entrelacs a capella des voix de Steve Von Till et Scott Kelly. La magie est là, elle agit, sans la moindre pitié, et nous la remercions...
"is your heart still beating - can you feel this at all - this landslide - will bury us all"
Batterie tribale, rapidement accompagnée d'un Scott Kelly incantateur et monocorde - envoûtant. "From Where Its Roots Run" (3'42), l'interlude chamanesque de l'album, appuyée ça-et-là de prières primitives. Vaine tentative d'échapper à son sort...
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Raté ! "Crawl Back In" (6'51) ouvre une fois de plus la boîte de Pandore, qui nous assaillit de tous ses maux/mots les plus noirs, lentement, délicatement, comme un serpent qui déploierait ses anneaux autour de sa proie. Douce caresse avant l'étreinte fatale. Une batterie au paroxysme de la lenteur, pour un martèlement qu'il nous faut endurer (pour notre plus grand plaisir, faut-il l'avouer ?) comme une épreuve de résistance, soutenue par une unique guitare dissonnante et cette voix ! calme, résignée, presque sereine, hâchée parfois par ce sombre violon, aérien toutefois, comme un espoir sublime irrévocablement hors de portée.
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"time is truth - hard and cruel - and my heart - has turned to stone"
Enfin, suit un "Watchfire" (8'26) presqu'abyssal, grinçant, désillusionné, avant la fatalité douloureuse de l'assaut innattendu, inespéré peut-être ? comme le cri d'agonie d'une bête qu'on achève enfin, comme la description de cette lumière blanche salvatrice, ce dernier objectif...
"a torch - in a black sea - our stones still stand - to remind us of loss"
"Resound" (1'26) - courte interlude qui sonne le glas...
Puis d'autres cloches, celles de "Stones From The Sky" (9'46), hommage final... Incroyable morceau tourbillonnant, sur lequel Steve Von Till trace avec confiance les lignes maîtresses, avant de bondir avec cet assaut final, véritable allégorie de puissance à la fonction cathartique déséquilibrante. La destruction est palpable, les fondations s'effondrent dans une nuage de poussière et de fumée, puis enfin, les cendres, comme un voile pudique sur ces ruines pour lesquelles on se sera tant battus.
Cette dégradation exprimée jusqu'à la moëlle-même de la matière, de par la fin de la piste, toute en saccades, comme le souffle qui manque au corps qui s'asphyxie...
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"walking amongst - the stones - from the sky - feeling their rythm - washing - over me"
"Une corde qui s'effiloche à mesure que l'on tire dessus", parfaite définition de ce chef d'oeuvre à redécouvrir, d'après
www.slowend.com.
Neurosis a renoncé à l'affront, à la violence même, pour mieux évoluer dans la description d'une descente aux Enfers après l'horreur, la désolation, les ruines. Une démarche qui remue d'autant les entrailles qu'elle triture le cerveau...
www.neurosis.com
www.neurotrecordings.com/artists/neurosis/index.aspx
www.myspace.com/officialneurosis
à voir également ! les clips qui accompagnent chacune des pistes de l'album (disponible en DVD) que j'ai couplés aux morceaux ci-dessus, lorsque je suis parvenue à les trouver...