Review:

Cette compilation, sortie en 96 après bien des rumeurs (on a d'abord parlé, en 1994, d'un album moitié acoustique, moitié électrique), nous a été concoctée par Chris Novoselic. Ce dernier s'est en effet ecouté plus d'une 100aine d'heures de shows pour determiner ses choix. Il a aussi écrit les notes de pochettes, simples, touchantes ("thank you : Kurt Cobain"). On imagine l'enjeu émotionnel qu'a dû représenter ce travail pour Krist.

Le résultat est largement honorable, même si certains pourront regretter l'absence de gros tubes tels que 'In Bloom', 'Come As You Are', 'Rape Me' ou 'About A Girl'. Mais cela laisse la place à des titres moins ecoutés, moins accessibles, comme 'Milk It', 'Tourrette's', 'Spank Thru'.
Un bel équilibre donc, entre les incontournables et ceux qui le sont moins, mais qui méritent tout autant leur place. En fait, un double CD ou un CD simple mais plus rempli aurait sans doute permis de satisfaire plus de monde.

Avant de passer aux performances et aux titres eux même, on peut tout d'abord féliciter le mixage d'Andy Wallace (à qui l'ont doit aussi certains mixages de gros concerts tel que Paramount Theater (10/31/91) ou Del Mar (12/28/91) ) et un enchaînement homogène de toutes les pistes (pas évident, quand on sait que des chansons de 94 côtoient ceux de 89, et que les supports utilisés passent de bandes multipistes à...une simple cassette audio). Le son des différents soundboard sont également très proches.
Intéressons-nous maintenant à la substance, c'est à dire, à ce que contient cet album en ce qui concerne les performances choisies. Sachez que l'album englobe la période de fin 89 à début 94, le tout en 17 pistes et que la plupart des chansons proviennent des plus grands shows de Nirvana.

Le tout commence par une intro égosillante de Kurt. Pour info, ce genre d'intro était 'récurrent' durant la fin de la tournée de 89 : sur quelques concerts (dont à Issy-Les-Moulineaux le 12/01/89) Kurt 'chauffait' la salle par des cris. Celle-ci, provient du dernier concert de 89 à Astoria Theatre le 3 décembre. Ce n'est même pas spécifié sur la pochette ! On entend quelques commentaires au début du morceau : il s'agit du groupe dialoguant avec Craig Overbay, leur sonorisateur...Grosso modo, ils font une balance-éclair en arrivant sur scène, n'en ayant pas fait une dans l'après-midi !
Puis 'School' ouvre véritablement l'album. Généralement, c'est par 'School' que les shows de 89 commençaient. Cette version, vient du Paradiso à Amsterdam le 25 novembre 91 (tout comme 'Been A Son' 'Lithium' et 'Blew'). On reconnaît (pour les connaisseurs) ce son de batterie propre à ce concert (que certain ici trouve dégeulasse...ces cymbales...).
La version très agressive de 'Drain You', tout comme 'Aneurysm' et 'Smells Like Teen Spirit' qui la succède sont extraites d'un des meilleurs concert de Nirvana, celui de Pat O'Brien Pavilion à Del Mar le 28 decembre 91. Des versions splendides, puissantes, mouvementées, et électriques qui ne laissent pas indifférent.
'Been A Son' et 'Lithium' proviennent donc du concert a Amsterdam. Le son de "Lithium" est absolument jouissif et les cymbales de Dave durant le refrain pulsent et raisonnent dans tous les sens.

Un début d'album très marqué par l'année 91 donc. Il faut dire que l'année 93/94 et par conséquent 'In Utero' (tout comme 'Bleach') est peu réprésentée dans cette compilation,mais en 17 pistes, la balance entre tous les albums du groupe est dans l'ensemble stable et équitable, d'autant plus que les gros morceaux de l'album y figurent.
La splendide version de 'Sliver' est extraite d'un concert au Springfield Civic Center le 10 novembre 93. Sans conteste la version la plus touchante de 'Sliver' en live, et l'un des gros morceau (pour ma part) de cet album. On remarque la présence de Pat Smear à la deuxième guitare.

La tension retombe d'un cran avec la présence de 'Spank Thru', dans une version très musicale, magnifiquement interpretée datant du 19 novembre 91 a Rome.
Arrivent trois gros morceaux d' 'In Utero' dont les deux plus puissants de l'album. 'Scentless Apprentice' tout d'abord, dans un mixage à faire baver le broacast de MTV. En effet, cette version provient du MTV Live And Loud du 13 decembre 93 et n'a rien avoir avec le son du SBD de MTV. Celui-ci est d'une pureté hallucinante et les deux guitares (Celle de Kurt et de Pat) s'entendent à merveille. On ne perd pas une miette du moindre couinement de feedback...Du délire. D'ailleurs, 'Heart-Shaped Box' qui est extraite d'un concert du 30 décembre 93 au Great Western Forum est sans aucun doute le sommet de cet album (après cela va selon les goûts).Cette version rythmée et bien gratinée nous déverse un déluge de son électrique à chaque refrain. Un refrain presque dégoulinant de distortion, et une fin bruitiste particulièrement jouissive. Envoûtant!

Puis vient le seul est unique morceau de 94. Mais quel morceau! Ce 'Milk It' du Seattle Center Coliseum le 07 janvier 94 (ils y rejoueront le landemain pour ce qui sera le dernier concert du groupe chez eux, en Amérique) .C'est tout simplement par celui-ci qu'on se rend compte de la synchronisation des deux guitaristes. Ceux-ci sont en symbiose, et le travail de Pat a la guitare est admiratif. Le morceau en balance plein les mirettes une fois lancé à fond,et c'est sans doute la meilleure performance de 'Milk It' en concert, et surtout l'avant dernière fois que le groupe l'interprètera sur scène...

A noter que "Radio Friendly Unit Shifter", enregistré à Grenoble en 94 et présent sur la compilation caritative Home Alive (parue en 1995) était pressentie pour "Muddy Banks".
Retour aux sources, puisque c'est 'Negative Creep' provenant de 'Bleach', qui est étonnamment la seule représentante du génialissisme concert du 31 octobre 91 au Paramount Theater qui prend la relève. Là encore, le mixage d' Andy Wallace fait des merveilles, même si a mon goût, son mixage du concert entier reste meilleur.
Arrive 3 chansons qui sont des versions non finalisées de leur album respectif.
C'est une 'Polly' pure souche, encore à la distortion (du 03 decembre 89 au Astoria Theatre) qui amène avec elle la derniere partie de l'album. Rappellons que c'est une chanson qui a vu le jour très tôt dans la carrière de Nirvana. Rythmé, energétiques, avec 3 refrains chantés sur des tons différents, c'est un excellent choix de la part de Chris, qui nous fait découvrir les bases de cette chanson.

'Breed', tout comme 'Polly', est elle aussi une ébauche avancée datant de la période où Chad Channing était encore à la batterie, à l'époque où la chanson s'appelait encore "Imodium", et provient, elle aussi, du concert au Astoria Theater le 3 decembre 89. Si proche même en même temps si différente de ce qu'on peut trouver sur 'Nevermind', cette version de 'Breed' n'en reste pas moins dynamique et rythmée. Un apperçu de ce que valaient les futures chansons de 'Nevermind' a l'époque de 'Bleach'.

'Tourrette's', qui figure sur 'In Utero' sorti en 93 est ici présente lors de sa toute première prestation live, celui du mythique show du 30 août 92 au Reading Festival. Plutôt semblable à sa version finalisée, elle n'en comporte pas moins un couplet en plus.
Une fois n'est pas coutume, c'est 'Blew' qui referme ce "concert". Une chanson qui, généralement, clôture de manière grandiose chaque fin de concerts ou rappel. Cette version tirée du concert de Amsterdam le 25 novembre 91.

L'édition vinyle comporte un bonus track sur la quatrième face : une dizaine de minutes de commentaires du groupe sur scène, entre deux morceaux, tirés pour la plupart de concerts de la tournée américaine d'"In Utero". A écouter de très près.
Une note sur la pochette, constituée d'un simple mais efficace patchwork de photos qui continue dans le livret intérieur. On y trouve majoritairement des clichés de Charles Peterson, le photographe officiel de la scène grunge, comme souvent. Les photos sont évidemment tirées de nombreux concerts différents : si la période 91-94 est surtout représentée, les débuts ne sont pas en reste (on voit Chad Channing et une photo des débuts en pleine page à l'intérieur). L'image du CD en lui même provient du carnage de fin de concert le 11 septembre 1992 à Seattle. On aperçoit Kurt de dos en arrière-plan.
Les concepteurs du bootleg "Digital Nirvana" semblent s'être inspiré du visuel de "Muddy Banks" pour leur pochette : un patchwork assez similaire. On notera aussi l'existence d'un bootleg intitulé "From The Muddy Banks of the Murray" (du nom d'un cours d'eau australien, puisque ce bootleg reprend un concert australien).

En somme, cette compilation est un véritable petit bijou pour qui voudrait avoir un avant-goût de ce qu'était Nirvana sur scène. Des titres bien choisis, variés, et avec une qualité de son qui laisse rêveur tout trader, cet album fût un bel hommage au groupe.

Informations, extraits audio et notations:

Set List:
Intro - School - Drain You - Aneurysm - Smells Like Teen Spirit - Been A Son - Lithium - Sliver - Spank Thru - 'Scentless Apprentice'- 'Heart-Shaped Box' - Milk It - Negative Creep - Polly - Breed - tourrette's - Blew